Le temps d’un week-end, le parc du Plessis d’Aigrefeuille-sur-Maine s’est paré de fanions, de transats colorés et de grandes tablées pour fêter le 22e anniversaire de Madame Suzie. Trois jours dehors ou sous chapiteau et un cadre idéal pour conclure ensemble cette première saison de Topo(s).
Le panneau Suzie Plessis Party adossé à un grand arbre accueille les premiers curieux sous un ciel menaçant. Ce vendredi, ils sont les premiers à pénétrer dans l’enceinte et sous l’élégant chapiteau de Madame Suzie installé un peu plus loin, dans le parc du Plessis à Aigrefeuille-sur-Maine. Dans quelques instants, le spectacle Plus-Haut de la compagnie Barolosolo inaugurera ce weekend d’anniversaire.
Assis en arc de cercle, le public découvre fasciné ce cirque rempli de trouvailles, de simplicité et d’une inventivité touchante. Un lion en papier mâché rugit, les canoës se jouent de l’équilibre, un bibendum en gilet de sauvetage fait le grand plongeon porté par la musique d’un percussionniste, accordéoniste et guitariste haut perché. Les rires montent vite, quelques cris surgissent et une heure plus tard, les applaudissements retentissent. Petits et grands se lèvent et repartent la tête dans les capuches ou sous les parapluies, heureux d’avoir ouvert ce weekend en poésie.
Le lendemain, en retrouvant le parc du Plessis en plein jour, grand espace arboré de chênes, de châtaigniers et parsemé de belles ruines, l’accueil se fait doux, simple. On y vient de tous les côtés, la glacière sous le bras, pour déjeuner sur la longue tablée qui s’étend de l’entrée du chapiteau au bar, à côté duquel des jeunes de la commune réchauffent des paninis pour ceux qui n’ont pas prévu leur pique-nique. On discute, on grignote et naturellement, comme si on les connaissait, David, Sébastien et d’autres viennent proposer une chanson pour accompagner le repas. Major Tom à deux ukuleles, un duo contrebasse/voix dans l’intimité de l’entrée du chapiteau, des moments improvisés en solo ou même en véritable orchestre.
En s’installant au milieu de la longue rangée de table en bois, on peut entendre d’un côté chanter “C’est l’amour à la plage” alors qu’à l’autre bout, Florent et son accordéon leur répond en rime et sans le vouloir “Je déchire la page”. Des musiciens de la commune s’en mêlent avec un Sous le vent prémonitoire ou dans des rythmes de batucada alors que les spectateurs terminent leur part de gâteau à la fraise, cuisinée par Madame Suzie pour partager ensemble son 22e anniversaire.
Un peu plus haut, les fauteuils s’installent en arc de cercle autour d’un pianiste qui invite à fermer les yeux pendant une sieste musicale. Une éclaircie vient réchauffer les auditeurs assoupis pendant Un Clair de lune de Debussy ponctué du bruit des feuilles qui s’agitent. Le vent se lève, soulève les partitions, s’engouffre sous les chapiteaux, sous les toiles des chaises, fait voler les fanions et renverse même des grands parasols à l’heure où le public, rassemblé face aux grilles des ruines du château, a le regard rivé vers monsieur Pif.
Les petits cailloux, c’était ça la bonne idée.
Le pianiste trouve enfin la solution pour faire tenir ses partitions alors que le vent se lève.
Le fakir installe sa remorque bariolée, déplie ses tapis, murmure, marmonne “Le prochain numéro est un numéro très, très dangereux. Trois, deux, un et top”. Les numéros s’enchaînent, tous délicieusement brouillons et bordéliques. Un humour tantôt naïf, piquant ou tendre qui prend à partie le public, fait monter sur scène enfants et parents, jusqu’à un final heureux en fiançaille avec son assistante ressuscitée, au grand bonheur de sa fille assise dans le public et terrorisée de l’avoir cru morte sur la planche à clou.
Le public applaudit fort le fakir qui range son attirail alors que derrière lui, de l’autre côté du bel arche de pierre, des food-trucks se sont installés, des tables sont montées. Tout le monde passe petit à petit dans cet espace ouvert où se jouera dans quelques heures Le Bal des variétistes. On s’installe sur les bancs ou sur l’herbe jaunie. Les odeurs des frites belges, des galettes, des plats brésiliens ou vietnamiens flottent. Le soleil baisse et la lumière s’allume sur la grande scène qui tourne le dos à la route.
Seize musiciens montent sur scène et plantent le décor. Des tubes de toutes les époques, repris à leur manière pour faire bouger la tête et les jambes. Un set soigneusement déjanté, percutant qui ne s’arrête pas pendant trois heures où se répondent un Kilimandjaro sans fin, un Banana Split logiquement punk et des airs exhumés de nos vieux lecteurs de cassettes auto-reverse. Les costumes défilent, les chorégraphies déjantés se succèdent. Chacun prend le micro, change d’instrument, joue, chante, rit. Le plaisir se ressent sur scène et dans le public. On lève le doigt, on monte sur les épaules, on fait la roue, on regarde de loin allongé dans l’herbe. On profite comme on veut, simplement, avant de repartir en famille ou entre amis avec Sara perché ti amo ou Pass the Dutchie en tête.
Le dimanche, le calme est revenu sur le parc du Plessis. Seul le trio Garçons s’il vous plaît apporte une touche musicale a capella. Les trois chanteurs ouvrent grand leur carte et servent à la demande une mélodie aux oreilles curieuses. Camille, Stromae, Henri Salvador ou le thème de Super Mario demandée par les plus petits.
Juste à côté, un groupe se forme dans un coin, accueilli par David Humeau. Dans quelques instants, il leur fera découvrir le Rêve collectif que Madame Suzie a inventé cette semaine uniquement pour eux. Et ils comprennent rapidement que ce rêve, la compagnie l’invente depuis 22 ans. Le comédien les guide de l’autre côté, dans l’envers des spectacles, de la création, de la vie d’une compagnie qui porte depuis toutes ces années une envie de faire ensemble, d’imaginer des projets alternatifs, de cultiver une vision de l’art partageuse, ouverte et sensible.
D’un catering orchestral et à plusieurs voix aux pauses mouvementées d’une chargée de production en passant par une réunion de travail improvisée et à main levée, les spectateurs passent joyeusement la frontière entre rêve et réalité. En costumes, chants, improvisations, les comédiens endossent toutes les casquettes et nous embarquent dans ce moment à la fois tendre, burlesque et poétique qui parle d’un parcours, d’une envie, d’une manière d’envisager la culture ensemble, en collectif.
Au terme de la troisième représentation de l’après-midi, les artistes saluent une dernière fois avant d’ouvrir le chemin à la cinquantaine de spectateurs qui rejoignent les autres dans le parc, face au duo Hit Hit Hit qui s’est installé sur la petite scène. Leur nom résume tout. Pour finir la journée, ils reprennent eux-aussi des tubes, à leur manière chrooneuse ou décalée. Piano, harmonica, percussions, clarinettes revisitent les classiques devant le public qui profite de leur douce folie, assis sur les transats. Une manière de finir ce weekend anniversaire et la première saison de Topo(s) à son image : accessible, inventive et débridée.