Ce récit est le quatrième d’une série d’articles qui racontent la carte blanche donnée à Capucine Dufour pour créer une randonnée artistique et dansée entre La Garenne Lemot – Grand Patrimoine de Loire-Atlantique et le centre-bourg de Boussay.
Une matinée d’atelier avec 50 enfants, les pieds dans la prairie humide. Un après-midi en solo à explorer des chemins de terre sous le soleil trop chaud de mars. Au milieu de sa semaine de résidence, Capucine Dufour fait le grand écart et dévoile les différentes facettes d’un projet de territoire.
Le soleil éclaire, réchauffe et fait rayonner la prairie humide. Au bas de Terbin, près de la base de canoë-kayak de Gétigné, un groupe de CE2-CM1 de l’école du Sacré-Coeur est regroupé autour de Capucine dans ce lieu qu’ils connaissent bien. C’est sur cette aire terrestre éducative qu’ils inventent toutes sortes de projets toute l’année et que ce matin ils concluent un atelier avec la chorégraphe. Quelques minutes plus tard, des têtes plus grandes, leurs ainés de CM2, arrivent sur le petit parking entouré de vieilles bâtisses et de belles maisons couvertes de tuiles.
Capucine les accueille et déjà ils posent des questions, s’approprient, montrent l’envie de commencer. La chorégraphe-paysagiste leur parle des randonnées qu’elle invente avec Éli et Lisa dans la région, du rôle qu’ils pourraient avoir le 8 juin, d’imaginer un jeu, des protocoles de danse qui accompagneront les randonneurs. Ce matin, elle leur propose de découvrir différentes pratiques pour ouvrir les sens, ressentir les espaces autour, avant d’en inventer ensemble lors des prochains ateliers.
Assis sur le goudron, Capucine leur offre d’abord une plongée sonore et imaginaire en forêt, les yeux fermés.
Formez une coquille avec ses mains
Posez-les sur vos oreilles pour vous réchauffer les lobes
Apprivoisez les sons, les mouvements qui nous entourent.
Les yeux de nouveau ouverts, les 24 élèves rejoignent la prairie puis les referment pour un voyage à l’aveugle. En duo alterné, le guide mène la marche et le deuxième marcheur, privé de la vue, s’appuie sur son bras ferme. En confiance, ils traversent les obstacles, enjambent les rochers, marchent dans les flaques dissimulées dans les herbes hautes et s’arrêtent. Le guide détaille le paysage, l’autre tente de deviner le lieu. Le long de la rivière ? Près de la source ? Face aux ronces ? Puis ouvre les yeux. La réalité surprend souvent.
Elle m’a dit qu’il y avait plein de petits soleils. Qu’il y avait des nuages et des milliers de gouttes.
J’ai vu passer les ombres à travers mes paupières, j’ai senti qu’on passait sous un arbre.
Puis vient le temps de la caméra. Une nouvelle pratique pour voir le paysage autrement. Se placer à un endroit, choisir de zoomer pour se rapprocher petit à petit d’un brin d’herbe ou au contraire dézoomer pour avoir du recul sur les grands arbres. Choisir de filmer avec ses mains au plus près, allongé dans la prairie, rester sur place en faisant un tour complet pour apprivoiser les espaces autour. Les vidéastes en herbe se rassemblent et témoignent de leur court métrage imaginaire, des événements qui ont renversé le cours de l’histoire.
Je me rapprochais des fleurs et un bourdon est venu se poser dessus !
L’atelier se finit trop tôt. Mais ils se reverront dans quelques semaines pour passer de l’expérimentation à l’invention.
Après une matinée d’échange, de mouvements, Capucine repart seule sur le terrain avec en tête de définir le tracé de la randonnée autour de l’uranium que mènera Lisa autour du site de l’Écarpière. Comme le mois passé, nous nous garons à Haute Gente, descendons le même chemin en faisant quelques écarts et arrivons sur l’espace plat, ouvert, qui surplombe de quelques mètres la Moine que l’on entend couler. Là, nous partons à droite, sentier encore inexploré bordé de pins, de sous-bois et d’humus qui donnent envie de le longer à l’abri du soleil.
Capucine évoque le passé minier, les villages qui ont disparu pour laisser place à la carrière, l’extraction qui a modelé les reliefs. Une ouverture laisse contempler une grande montagne rocheuse parsemée de broussailles et d’ajoncs en fleur. Nous nous éloignons du chemin noir de la carte IGN que nous tentions de suivre pour emprunter un frêle chemin jonché d’épines qui s’ouvre rapidement et nous dévoile un paysage de landes décharnées. Un amphithéâtre naturel qui surplombe la rivière et offre un panorama sur les anciennes cités ouvrières de Saint-Crespin-sur-Moine, de l’autre côté de la rive. Un lieu qui ouvre des possibilités de danse, de marche, de perspectives sur le paysage.
Mais le tracé n’est pas simple. Comment y accéder ? Comment faire de toutes ces possibilités un chemin de randonnée : en faisant une boucle, une ligne, un huit ? Capucine sait qu’elle devra revenir pour relier les points de ce lieu aussi étrange que fascinant.