Gros temps

Deuxième marche le long de la frontière de La Haye-Fouassière

Ce deuxième récit est extrait d’un carnet de bord qui documente Haies vives : projet photo et texte qui explore les lisières de La Haye-Fouassière à travers une marche le long de la ligne de délimitation de la commune.

Chaotique, instable, c’est le ciel qui a guidé le rythme de cette deuxième marche en bordure de La Haye-Fouassière. Mais par une éclaircie entre deux camions, à l’abri des averses dans une cuisine de restaurant ou dans une écurie, la pluie, le vent et le froid ont finalement mené aux rencontres.

Il est près de midi quand je me gare sur la zone artisanale, tout près du point le plus au nord de la Haye-Fouassière. Ici, dans cet espace à cheval avec Haute-Goulaine, tout semble fait d’échanges, de départs et d’arrêts. De pauses aussi. Sur le rond-point qui borde la quatre-voies, le grand terre-plein central est ceinturé de camions plus ou moins gros, de dépanneurs, de camions bennes, et de 33 tonnes. Sylvain en descend quelques minutes pour acheter un sandwich et une viennoiserie. Le Choletais n’a pas beaucoup de temps. 30 minutes et il repart vers Montoir pour livrer des céréales. Ce n’est pas si loin, mais le trajet aller-retour, il l’a déjà fait une fois dans la journée. Il a commencé à 5 heures et finira vers 17 heures. Il accepte que je le prenne en photo, devant son poids lourd et à l’intérieur, dans son bel habitacle qui sent le neuf.

Un peu plus loin, Alexis fait une pause sur un petit parking comme parfois quand il n’est pas en télétravail. Il reprendra à 14 heures à quelques kilomètres de là avant de retourner chez lui, à Geneston. Il accepte sans hésiter de se faire prendre en photos, les cheveux aux vents, assis dans sa voiture. Sélim, lui, s’est simplement arrêté pour changer l’ampoule d’un phare de sa voiture. Il ne souhaite pas qu’on voit son visage, mais aime l’idée de se faire prendre en photo tête baissée, le visage dans sa capuche. On se sert la main avant de devoir s’abriter car la pluie et le vent reviennent plus forts, plus violents, faisant trembler les voitures, les arbres et les panneaux.

Guillaume et Jordan se sont aussi abrités dans leur camion remorque. Lorsque je les aborde, ils sortent tout juste, équipés de leur tenue orange fluo, de leurs casquettes, bérets et tours de cous bien remontés. Ils seront ici pendant trois jours, malgré la pluie et le froid pour creuser et remplir un morceau de trottoir.

Je les quitte alors que le soleil se montre timidement. À Tournebride, les rafales ont renversé les poubelles, les averses ont formé de grandes flaques dans lesquelles se reflètent les éclaircies. Je passe devant le restaurant Saint-Jean-de-la-queue et m’arrête un peu plus loin Chez Pipette. Je rentre m’y réchauffer et rencontre Nicolas, qui travaille ici depuis quelques mois. Il a 39 ans, est originaire de Normandie et vit dans un van aménagé. Il aime voyager, assouvir sa soif de curiosité. Alors, même s’il est bien dans le coin, il repartira sûrement bientôt, découvrir d’autres régions. Jeanne, sa jeune collègue, est originaire du Landreau et a commencé il y a seulement deux semaines. Nous sortons dans le froid à l’arrière du restaurant pour prendre une photo et je reprends ma marche.

À partir d’ici, je pars vers le sud, redescendant doucement la frontière ouest de la commune. Je traverse le chemin du Halay pour rejoindre le hameau de La Gourtière, m’éloignant rapidement du brouhaha de la quatre-voies. Les branches décharnées d’un sous-bois offrent un havre silencieux par lequel transpercent les nouveaux rayons de soleil.

Je prends la perpendiculaire par un chemin de vigne. Mes pieds s’enfoncent dans les herbes boueuses qui bordent les rangs, le long de la voie de chemin de fer que je traverse un peu plus loin. Entre herbes et ronces, un TER vient troubler le silence qui revient instantanément. Les forêts osseuses sont accueillantes, laissant apercevoir des clairières, et de petites mares formées des deux côtés de la petite route. Je sais déjà que je ne verrai pas encore la Sèvre nantaise aujourd’hui mais de nouveaux cours d’eau sont apparus des ondées récentes, comme celui que j’emprunte le long de la voie ferrée, transformant un chemin en large ruisseau.

Un peu plus bas, la curiosité m’amène à m’arrêter à l’écurie des lumières, son architecture et la lumière qui s’y engouffre, comme le vent dans les bâches tout autour des enclos. Je photographie Kelya, jument qui aime poser me confie son écuyère. Et c’est l’heure pour moi aussi de faire une pause. Je repartirai d’ici la prochaine fois. Et je continuerai de descendre vers le sud, la carrière et la rivière.