Sur la planche

Rencontre avec Bernard Leroy, comédien, metteur en scène et habitant de La Planche, investi dans le projet de ParadiseFest

Il est 11 heures quand Bernard Leroy m’accueille dans la grande salle communale de La Planche. Sur scène, les rideaux sont fermés et gardent à l’abri des regards les décors de la dernière création de la compagnie ACDC. Après les deux premières représentations et avant une nouvelle série de dates dans cette salle qu’il connait par cœur, le metteur en scène prend le temps de me parler de son rapport au théâtre et à sa commune.

Cet échange est le premier d’une série de portraits qui partira à la rencontre d’habitants de l’agglomération à travers leur passion, leur vie et leur rapport à ce territoire.

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Comment avez-vous découvert le théâtre ?

Ça a commencé dans le village en 1975. J’avais hâte d’avoir 14 ans pour commencer à monter sur scène. On était adolescents, on avait des mobylettes et on se disait : on va aller aux répétitions et après on verra ce qu’on fait. C’était la découverte de la liberté.

C’est aussi une histoire de famille ?

J’ai grandi, j’ai travaillé dans la commune et je n’ai jamais arrêté d’y faire du théâtre. Mes enfants en ont passé des nuits dans leur couffin dans le local des chaises pendant qu’on jouait ! Depuis, ma fille participe toujours, mon fils donne un coup de main pour les décors et ma femme est souffleuse.

C’est une passion qui rassemble les habitants de La Planche ?

Quand la salle a été créée en 1983, on nous a proposé de faire un spectacle. On avait un mois pour le préparer. On l’a fait. C’était rempli, on a été cherché des chaises à l’église, un peu partout. Il y avait une envie et un besoin. Aujourd’hui, une cinquantaine de personnes sont investies : des comédiens, des costumiers, des bricoleurs qui construisent les décors. On a eu de la chance, on a toujours eu des jeunes. Et on espère que ça continuera avec les nouveaux habitants.

Vous avez vu cette commune évoluer depuis les années 60 ?

Quand j’étais jeune c’était encore une commune agricole, maintenant c’est surtout du maraîchage, on se balade entre du plastique. Et puis elle a grossi, doucement. Avant on se connaissait tous, maintenant ce n’est plus vraiment le cas. Entre les associations c’était la même chose, il y avait une bonne entente, des échanges. Aujourd’hui, c’est un peu plus éloigné. Ça se passe bien, mais il n’y a plus les mêmes relations.

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Comment est perçue La Planche de l’extérieur ?

J’ai entendu parfois des gens dire : c’est compliqué quand tu arrives et que tu n’es pas du cru, de faire du lien. Au théâtre, on a toujours essayé de permettre ça aussi : se rencontrer.

De mon côté, j’ai malheureusement découvert La Planche par l’histoire d’un accident aérien.

C’était en 1973, je m’en rappelle bien. Le soir quand on est rentré du collège il y avait des voitures partout. Un des deux avions a explosé en vol et des trucs sont tombés tout autour de la commune. Par chance il n’y a eu presqu’aucun dégât. La queue de l’avion est tombée entre deux maisons. Les ailes ont survolé la commune. Ça fait partie de l’histoire de la commune et ça a marqué ceux qui l’ont vécu, notamment les pompiers. Heureusement qu’ils étaient un groupe bien soudé et qu’ils ont pu se soutenir.

Mais ce n’est pas la seule histoire…

Il y a la grande histoire de la planche que j’aime beaucoup : le lièvre de la Pavagère. Il y avait un seigneur qui chassait dans les environs et devant eux, un paysan du coin lui aurait pris un lièvre. Le gars n’était pas content et il a mis une amende aux habitants de La Pavagère à lui payer tous les ans : du seigle, de l’avoine et « deux chapons bien dodus ». Après la Révolution, La Planche est devenue une commune indépendante et a hérité de l’amende qui s’est transformée en argent. Et il a fallu attendre la deuxième guerre mondiale pour qu’un journaliste écrive un article et qu’enfin la commune arrête de payer, après peut-être deux cent ans ! C’est une histoire qui m’a vraiment intéressé et on s’en est servi dans un de nos spectacles.

Dans le cadre de Topo(s), vous avez rencontré l’École Parallèle Imaginaire qui mène un projet dans la commune voisine de Remouillé et qui se nourrit aussi des histoires du coin. La compagnie souhaite écrire un spectacle qui sera joué par différentes compagnies de théâtre amateur de l’agglomération qui pourront se rencontrer et se mélanger. Comment abordez-vous ce projet ?

C’est assez peu courant ! Ça nous motive car on n’a pas toujours l’occasion de travailler ensemble même si avec d’autres amateurs de théâtre de la région, nous avons déjà créé une association pour mettre nos savoirs faire, nos compétences en commun pour faire des spectacles de plus grande ampleur. On a joué au château de Clisson avec trente comédiens, des chevaux, des musiciens, des escrimeurs. On a présenté Le Tour du monde en 80 jours avec une scène centrale et les gradins de chaque côté, ou Les Noces de Brigitte en extérieur, avec des saynètes jouées dans des voitures ! On est toujours motivés pour découvrir de nouvelles choses et présenter des spectacles ambitieux.