Impliquer les habitants, mobiliser les enthousiastes, rassembler les troupes. Pendant sa quatrième semaine d’arpentage, l’École Parallèle Imaginaire a questionné les liens, les ramifications et les cheminements qui amènent à composer une vraie fête partagée.
Simon, Léa, Guénolé et Guillaume ont les chaussures trempées et la tête pleine de questions. Dans la matinée, ils ont foulé Remouillé jusqu’à la Maine et ses sentiers boueux, jonchés de ronces, presque inaccessibles. De retour au sec, je les retrouve alors qu’ils attendent Josette Boussonière, adjointe à la culture de la commune et interlocutrice privilégiée depuis qu’ils ont décidé d’y poser leurs valises pour imaginer un ParadiseFest, le 3 juin prochain. Pleine d’énergie, celle qui est arrivée dans la commune en 1979 parle franc, sait aller à l’essentiel et répond à toutes leurs questions sans détour.
Dans une salle de la mairie où s’affichent de vieilles photos de Remouillé, Guénolé et Léa lui exposent leur envie de profiter de cette fête pour faire naitre des propositions, des points de vue sur les espaces qui composent la municipalité. Créer un chemin belvédère le long des anciens jardins suspendus de Garreau pour relier la chapelle à l’ancien lavoir ? Recréer un rapport à la rivière en permettant aux habitants de prendre un bateau pour rejoindre des lieux inconnus ? L’heure est aux idées, aux projections, aux possibilités.
À une époque, on prenait les chaises de café pour les amener à l’église, maintenant c’est plutôt l’inverse.
Simon remet un des enjeux au cœur de la conversation : réussir à créer avec cette fête un vrai moment partagé, pensé avec les habitants et qui prendra forme à l’occasion d’ateliers, de chantiers participatifs. Pour ça, il faut rassembler, donner envie et Josette ne manque pas d’idée pour mobiliser autour du ParadiseFest, elle qui leur confesse enfin avoir été au départ très méfiante quand les artistes lui ont annoncé leur envie de célébrer le paradis à Remouillé.
Même si c’est au sens de l’utopie, du bonheur que l’École Parallèle Imaginaire entend creuser le paradis, c’est bien au pied de l’église de Remouillé que nous retrouvons Josette, accompagnée cette fois du responsable technique de la commune, de la régisseuse générale du théâtre du Quatrain et de deux membres de l’équipe technique du théâtre Le Grand T. L’occasion de questionner avec eux quelques espaces pressentis, imaginés, supposés par l’École parallèle imaginaire pour accueillir des morceaux du ParadiseFest.
Simon sort l’imposante clé de la chapelle et nous pénétrons dans le silence abandonné de ce lieu de culte. Nous marchons sur le damier usé de la nef illuminée par les vitraux fatigués, nous découvrons au mur des inscriptions, un reliquaire et au centre de l’édifice un simple prie-Dieu poussiéreux.
Nous montons avec précaution dans la coupole pour enjamber un croisement de linteaux de bois qui consolident la charpente avant de descendre dans le sanctuaire de la famille Garreau, défendu par un lion d’Asie et un lion d’Afrique. En ressortant, nous faisons le tour de la chapelle pour parcourir les vestiges des jardins suspendus de Garreau. Dans ce millefeuille parcellaire, paradis perdu de l’architecte, se succèdent des petits lopins en friche, en culture, en ronces. Nous replongeons dans le bourg avant de longer le chemin en contrebas de la ville pour arriver près de la station d’épuration et des ruines de l’ancien lavoir où le groupe se rassemble.
Ici, à l’orée du bourg, sous le manoir de Garreau et face à la grande plaine qui borde la ville, l’École Parallèle Imaginaire aimerait faire revivre le contact avec la Maine, perdu, distant, semble-t-il depuis des années.
Nous remontons vers une petite chapelle, adossée au manoir de Garreau avant de reprendre la route de la mairie.
Vous faites quoi dans le coin ? Vous êtes des témoins de Jéhovah ?
De retour avec Simon près de notre point de rencontre, trois jeunes qui voient passer les membres de l’École parallèle imaginaire depuis quelques mois nous interpellent : vous faites quoi dans le coin ? Vous êtes des témoins de Jéhovah ? Le terme de ParadiseFest n’aide pas à dissiper leurs doutes sur nos motivations, mais après les explications de Simon, les trois locaux se lancent même dans des propositions plus ou moins artistiques et avec une interprétation très personnelle du paradis. Alors, est-ce qu’on vous verra pour la fête ? Ça peut, de toute façon, on est toujours là !
Dans mon paradis, il y aura des ruines.
Avant de se séparer, l’École Parallèle Imaginaire s’installe dans une salle municipale pour prendre le temps de se rassembler, de faire le point. Guillaume fait émerger les thématiques qui ressortent après ses différentes explorations de la commune et qui pourraient guider la dramaturgie des pièces théâtrales qui composeront une partie du ParadiseFest. Ils évoquent les ruines, le rapport à l’eau et reconnaissent que le sujet, l’évidence, un lien leur manque encore pour relier toutes les envies, pour donner une cohérence au récit de cette journée. Les questions restent en suspens à l’heure de se quitter même si le récit se resserre, se précise, s’éclaircit.
Remouillé est tombé dans l’obscurité sans qu’on l’ait remarqué et à 19h, j’accompagne Simon et Guillaume vers une salle adossée au terrain de football où attendent déjà une quinzaine de membres de troupes de théâtre amateur des communes alentours. Guillaume prend la parole pour parler plus en détail du projet théâtral qu’ils imaginent pendant le ParadiseFest. Il évoque un mystère : grande forme d’une trentaine de minutes, mais aussi des fragments de quelques minutes imaginés pour des petits groupes dans différents lieux. L’envie de mélanger les membres des troupes est exprimée par les participants eux-mêmes. Les contours, les textes, les distributions seront pensés plus tard mais le projet rencontre l’intérêt, la curiosité, suscite l’échange.
Lorsque je quitte Simon, Guillaume et tous les participants, la réunion se poursuit de manière informelle, debout dans la salle ou en fumant une cigarette face au stade de foot. Nous nous séparons sur cette envie partagée de faire ensemble et de se retrouver dans quelques semaines pour donner forme, petit à petit, à une création commune.