Ouvrir la marche

Récit d'une septième semaine d'arpentage avec l'École Parallèle Imaginaire

Les fleurs poussent, les fanions s’étendent, les totems se dressent. En mai, à quelques semaines du ParadiseFest, les membres de l’École Parallèle Imaginaire, les habitants et toutes les équipes engagées se donnent la réplique pour confectionner et assembler les morceaux de la fête.

Le silence est impressionnant. En entrant dans le hall de la salle Henri-Claude Guignard, le calme détonne avec l’amoncellement d’étoffes et de couleurs qui s’enchevêtrent sur les tables. Mais ce matin, Léa et Lise sont concentrées. Elles moulent les masques, les collent, les mettent à sécher, puis reviennent coudre des tissus, assembler. Delphine qui les a rejoint esquisse des motifs sur des morceaux de bois avant de les peindre. Toutes les trois composent ce qui arborera les rues de Remouillé, ce qui ornera les visages, ce qui habillera les acteurs de la fête. L’espace est submergé alors qu’à côté, dans le calme tout aussi troublant de la grande salle, Guillaume écrit seul à sa table. Ou plutôt il prépare, organise, coordonne des fragments à l’heure du concret, de la réalisation. Simon travaille à quelques kilomètres de là, Guénolé n’est pas encore arrivé.

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Je te vois. Tu ne vas pas craquer, tu vas aller au bout.

Un morceau d’étoffe en bouche, Lise s’adresse aux attaches récalcitrantes qui unifient une des coiffes.

Et puis, sans s’en rendre compte, l’ambiance change, s’emballe doucement. Sophie arrive avec ses légumes pour préparer l’atelier cuisine de l’après-midi, Simon et Guénolé aussi. Le scénographe sort installer les fils qui serviront un peu plus tard à étendre des banderoles de tissus colorés avec des bénévoles. Guillaume enfile son costume, Lise le coiffe et il sort se mettre dans la peau et dans les mots de son personnage. En début d’après-midi, ils sont rejoints par des habitantes, des curieuses. L’odeur alléchante de la cuisine emplit la grande salle, les abords extérieurs se parent de guirlandes de tissus qui volent au vent, de totems de bois et de laine, de masques animistes.

Dans quelques semaines, les couleurs du ParadiseFest se diffuseront jusqu’au village, pour l’instant simplement habillé de quelques affiches annonçant la fête. Pourtant, un peu partout, des morceaux de paradis se préparent en cachette.

Place de l’étendard, derrière ses volets rouge, Marine s’occupe de son jardin savamment sauvage qui accueillera le 3 juin l’Eldoradio, création sonore de collégiens, et le récit de la création du ParadiseFest. De l’autre côté de la ville, du mesclun et des fleurs semées par Léa poussent dans les serres de Simon Delhommeau. Et à l’Espace Jeunes, où Simon évoque des marelles à dessiner à la craie dans les rues le jour de la fête, les adolescentes en improvisent immédiatement sur le parking. Des classiques, des fleuries, des colorées, des originales, pour rejoindre le paradis plus ou moins facilement.

En début de soirée, Léa et Lise gardent les clés de la salle Henri-Claude Guignard qu’elles ne quitteront que plus tard. Les autres se répartissent. Pour la plupart près de l’église pour la première rencontre avec celles et ceux qui donneront un coup de main pour le banquet. De son côté, Simon attend près du lavoir que quelques comédiens amateurs des troupes alentour le rejoignent. Rassemblés en rond puis étendus le long du chemin, ils font résonner leur voix amplifiées sur la rivière, se dissimulent dans les herbes hautes. Semi-costumés d’un jabot ou d’un chapeau, avec encore plus ou moins le texte en tête mais déjà le plaisir et l’entrain, ils répètent ensemble alors que le jour décline doucement sur Remouillé et qu’un parfum de fête commence à se faire sentir.