Petits soins

Récit d'une résidence de la compagnie Yvann Alexandre à l'Ehpad La Joncière à Boussay

Ce récit est le deuxième d’une série d’articles qui racontent la naissance du spectacle de danse Circulations de la compagnie Yvann Alexandre pendant des résidences dans les Ehpads du territoire.

Découvrez aussi les portraits de résidents avec les danseuses et danseurs pris pendant cette résidence.

À l’Ehpad de la Joncière de Boussay, Claire, Lucie, Yvann et Hugo ont dansé autant qu’ils ont discuté pendant une deuxième semaine de résidence pour créer, partager et donner du baume au cœur.

Lorsque je franchis la porte automatique de l’Ehpad de la Joncière, la bulle de bien être des salariées commence dans la grande salle à gauche du hall. Un moment organisé par la compagnie Yvann Alexandre pour elles, pour lâcher prise, même si c’est difficile parfois, surtout lorsque les bip sonnent en échos dans les poches, rappelant que les demandes des résidents ne sont pas très loin. Les premiers gestes sont encore tendus, les fous rires nerveux jaillissent.

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Et puis, petit à petit, le relâchement. On se met par deux, les doigts se rejoignent, la pulpe se touche et les bras se lèvent ensemble avant de se relâcher doucement. Main gauche, main droite, croisées, en mouvement, en touchant d’autres mains, en se déplaçant dans l’espace. Vingt minutes seulement qui marquent quelques sensibilités. “Je ne suis pas habituée à ce qu’on prenne soin de moi” lâche une salariée, les yeux brouillées, avant de reprendre son après-midi de travail.

– Qu’est-ce qu’on va faire là ? C’est comme ce matin ?
– Non, c’est avec vous cette fois !

Ce matin-là, comme les autres de la semaine, Lucie et Mathilde ont répété leur création dans la grande salle, sous le regard de quelques résidents curieux. Et à 15h, c’est pour eux que Lucie et Mathilde installent des chaises en rond. Certains arrivent debout, d’autres en fauteuil, parfois poussés par d’autres résidents. On agrandit le cercle et au total, on compte 29 femmes et 3 hommes, Germain, Robert et André.

– Celui-là, je le connais, mais c’est qui ?
– C’est Robert, Robert Piveteau, répond sa voisine. 

Ici, beaucoup se connaissent et ont vécu dans le village ou pas loin, avant de venir vivre ici. T’es pas la fille du bureau de tabac ?, demande même une dame à Mathilde qui s’installe à côté avant que le chorégraphe Yvann Alexandre ne mène la danse. 

Des tapotements de mains, des glissements de jambes, des pas qui résonnent au rythme des Roses blanches de Berthe Silva. Puis Lucie se lève pour proposer une chorégraphie tendre, un baume.

Le premier soin sur le coeur, la paume posée à plat.
Ça glisse.
Oreille
Le fil du coude
Le bout des doigts
Le coussin du genou.

La mémoire se met en marche. Les résidents reprennent la chorégraphie et au milieu du cercle, Lucie et Mathilde en dévoilent une version travaillée ensemble, entourée des mouvements des résidents.

Les 45 minutes passent vite et avant de se quitter, Yvann propose un moment de folie, débridé. Les mains dans les mains, les vagues douces se réveillent et emmènent les résidents à se lâcher. Certains se lèvent, dansent au milieu, accompagnent en tête à tête ceux qui sont restés dans les fauteuils, et l’après-midi se termine en rires et en applaudissements.

Autrefois, quand on dansait, on s’aimait, on se serrait bien l’un contre l’autre. S’il m’entend, il doit se dire : c’est bien Michèle !

Entre deux prises, Yvann retrouve Lucie et Mathilde pour leur proposer de danser dans les couloirs. Sous les yeux des résidents plus ou moins surpris, les deux danseuses évoluent dans l’espace. Certains s’écartent, d’autres suivent le mouvement jusqu’aux cuisines où ils applaudissent le spectacle qui continuera quelques instants plus tard sur un des toits de l’Ehpad où Hugo filme différentes séquences chorégraphiques. Le long des balcons vitrés, sur les grandes esplanades de graviers ensoleillées ou quelques instants les pieds dans le vide, Lucie et Mathilde dévoilent quelques fragments de ce qu’elles présenteront en trio avec Claire début juin, au bord de la Sèvre nantaise, quelques centaines de mètres plus bas.

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T’es marrante toi ! T’as un visage très souriant ! Toutes les deux hein : il ne faut pas être jalouse !