
Récit d’un atelier imaginé par Élise Jaunet et Katy Ménard-Pageau dans le cadre du projet Bibliothèque vivante, dans la salle du jardin des artistes de de La Haye-Fouassière.
Arkady cherche ses mots, Jacques s’échappe de ses notes. Dans la salle du jardin des artistes de La Haye-Fouassière, Katy et Élise préparent avec eux une nouvelle Bibliothèque Vivante. Un moment de rencontre où chacun devient livre et où l’histoire se dit à voix haute.


Arkady semble taiseux. Les mots sont pesés, il prend le temps de les exprimer. Quand j’entre dans la salle, Katy et Élise sont déjà à ses côtés depuis une demi-heure. C’est le premier des trois rendez-vous qu’ils auront ensemble. Après avoir écrit, il est prêt à tenter un premier essai, à se mettre en situation, comme s’il avait face à lui une vraie spectatrice de cette Bibliothèque Vivante.

J’ai des difficultés avec le français prévient doucement Arkady qui s’assoit sur une chaise. Il fait rouler son crayon entre ses mains et écoute avec son regard bleu profond les indications que lui donne Katy, installée face à lui. Elle lui sourit, rassurante. Tu vas m’accueillir et me dire ce que tu veux me raconter. Prends ton temps, fais comme tu le sens. Alors il se lance.
Je m’appelle Arkady, je suis russe, et je vais vous raconter l’histoire de mon arrivée en France.




Katy l’écoute, attentive, pose des questions, creuse doucement. Il parle de son travail de cinéaste en Russie, de son engagement dans une agence d’informations opposée au régime, de son départ avec sa famille. Je ne voulais pas que mon fils fasse l’armée. Je ne voulais pas y être associé. Je suis pacifiste.


Grâce à des amis, il a trouvé une maison à Monnières. Depuis, il y vit avec sa famille. Son second fils parle maintenant très bien français. Pour sa fille, ça a été plus difficile. Elle avait quinze ans à leur arrivée. Au début, au collège, tout le monde est excité d’accueillir une étrangère, mais rapidement, c’est difficile d’échanger.
Ce qui l’étonne ici, ce sont les rassemblements, les partages, les moments entre voisins. Alors, après une quinzaine de minutes, il conclut.
Mon expérience prouve qu’il est possible de tout quitter avec sa famille. Il y a des gens accueillants partout.


Les 15 minutes sont écoulées et l’heure s’achève en douceur. Katy le rassure : Tu peux avoir confiance en ton français.
Tu peux rester maître de l’échange, choisir ce que tu mets dans ton livre, ajoute Élise, rappelant que Les Bibliothèques Vivantes offrent la possibilité à des personnes d’ouvrir un pan de leur histoire et de garder le reste secret.


Dans ce projet, Élise accompagne chaque personne dans son écriture, l’articulation du récit, la construction de sa parole. Katy, elle, œuvre à créer un espace sécurisé : elle simule les rencontres, module son écoute, offre un cadre dans lelquel on peut se relâcher, s’exprimer librement.
Arkady passe le relais à Jacques, qui attend en bas des marches, pour son deuxième atelier. Il a retravaillé son texte, s’est préparé. Mais d’abord, ils s’échauffent. La tête, le corps, la voix et le souffle en récitant un texte face au mur, pour qu’on l’entende de loin.
Le jour J, il faudra garder cette énergie, cette force dans la voix. On sera en extérieur, avec du bruit, du passage.




Jacques s’installe lui aussi face à Katy, qui peut tour à tour incarner une auditrice bienveillante ou plus intrusive, pour l’aider à s’adapter à ce qui peut se passer le jour de La Bibliothèque Vivante. Même si Élise rappelle que tout se passe toujours bien. On est dans une sorte de bulle d’écoute calme, douce.
Jacques commence, mais reste accroché à ses notes. Katy l’aide à se détendre, à s’exprimer en lui posant de simples questions anodines. Progressivement, le ton devient plus fluide, plus vivant. Il évoque ses racines provençales, son départ pour Paris, son arrivée en terre ligérienne après une mutation. Enfant du baby boom, il plonge dans ses souvenirs de jeunesse, ses années en pension et ses colonies de vacances. L’œil pétillant, il parle d’ouverture, de curiosité au monde.
On a envie de tourner la page, de lire la suite.
