Suivre la piste

Récit d'une deuxième semaine d'arpentage avec l'École Parallèle imaginaire

Écrire, suivre une intuition, une direction. Et puis la confronter au terrain. Pendant leur deuxième semaine d’arpentage, les quatre membres de l’École parallèle imaginaire ont enfourché les vélos, ressorti les carnets et les appareils photos pour définir l’orientation de leur projet, quitte à bifurquer sur le chemin. 

On avait écrit quoi là, sur la carte ? Repartir pour une deuxième semaine d’arpentage, c’est se replonger dans les notes, les croquis, les premières rencontres d’avril. Ce mardi midi, Simon, Léa et Guénolé rejoints cette semaine par Guillaume, auteur, comédien et metteur en scène, s’attachent surtout à déterminer le tracé de l’après-midi. À vélo, à partir de Remouillé et jusqu’à La Planche, en évitant les grandes routes et à la découverte de points jaunes notifiés sur une carte que Simon prend en main.

Les communs de village : voilà ce que ces petits cercles représentent. Des espaces qui font collectif, qui appartiennent à tous les habitants et qui intriguent les quatre membres de l’École parallèle imaginaire : que sont-ils ? Sont-ils encore communs ? Sinon, comment pourrait-on leur redonner vie ? Et finalement, qu’est-ce qui fait commun aujourd’hui ? C’est avec ces questions et en tête l’objectif de déterminer une véritable direction à leur projet sur le territoire que nous prenons la route.

Venez faire le tour du commun, pour une fois qu’on en trouve un !

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Dans la chaleur du début d’été et la poussière des moissons, nous nous lançons dans une course d’orientation à travers les paysages de plaines, de vignes et de bâtiments agricoles. Les communs les plus évidents et les plus nombreux sont des mares, parfois des étendues d’herbes, des espaces vagues, indéterminés. Les premières trouvailles sont maigres, alors à quelques kilomètres de La Planche, nous quittons le chemin pour nous rapprocher d’un petit aérodrome caché entre deux petits bois.

Un jardinier coiffé d’un canotier « Muscadet », affairé à arroser son potager, nous accueille et nous invite à pénétrer dans le hangar. Nous traversons la piste d’atterrissage verdoyante aménagée entre les champs avant de comprendre la passion qui anime notre interlocuteur et son ami : pilotes, jardiniers et apiculteurs à la fois, en contemplant les dizaines d’avions, ULM, planeurs, soigneusement alignés à l’abri.

Je suis né dans une famille de 8 enfants, et quand j’ai su marcher, ça ne m’a pas suffi, j’ai voulu voler.

Les deux retraités nous dévoilent leur passion de longue date, mais qui aurait pu être détruite dès leur jeunesse. En 73, un DC9 et en Coronado se sont rentrés dedans juste au dessus. Il y a eu des dizaines de morts. Moi j’ai ramassé des macchabés dans la remorque. Nous comprenons un peu plus loin que toute la région se souvient de ce drame. Un habitant de La Mauvillonière nous explique que des morceaux d’avions ont été retrouvés dans le commun que nous avons sous les yeux, une mare bordée d’un grand calvaire et de bancs qu’il s’attache à nettoyer à grand coup de javel.

Nous bordons les champs sablonneux avant d’arriver à La Planche, notre destination pour la soirée. Le butin est faible : des étangs et quelques espaces verts. Ce qu’on a fait aujourd’hui, on pourrait le refaire à foison et s’y perdre. Alors on se réorganise pour la deuxième journée : cette fois on se sépare en deux équipes et on établit un protocole : prendre à chaque fois une photo du commun, et parler à une personne qui pourra nous en dire plus.

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Le lendemain, je fais donc équipe avec Simon et nous partons en camion sous un gros crachin en direction de La Haye Fouassière. Après une halte curieuse à la carrière qui fait la frontière avec la commune voisine de Vertou (hors du territoire d’exploration de l’École parallèle imaginaire), nous marchons à la recherche d’un commun, nommé simplement Les grottes. Les pieds dans la terre imbibée, à travers des champs de vaches désertés ou dans le contrebas des forêts surplombant la Sèvre nantaise, nous tentons de suivre les explications d’un vigneron mais nous repartons malheureusement les pieds trempés et sous une bruine persistante, frustrés de ne pas avoir trouvé ce point de vue.

Quelques kilomètres plus loin, c’est La Métairie puis La Hautière, hameaux voisins de la commune de Saint-Fiacre-sur-Maine, que nous parcourons, tous deux truffés de points jaunes. Plus ou moins facilement, nous supposons un espace enherbé à l’entrée du hameau, recensons un four à pain au bout de la route, quelques granges et un dernier espace à l’orée des vignes où se dresse un étrange monolithe de béton dont nous ne parvenons pas à identifier l’utilité.

Ça c’est un commun ? Ah non, c’est à moi !

Nous traversons quelques rangs de vignes pour rejoindre La Hautière, où plusieurs bâtisses apparaissent sur notre carte à commun. On apprend vite qu’elles ne le sont plus, et probablement depuis longtemps. Un vigneron, originaire du village, nous explique que la ruine que nous venons de découvrir appartient à sa famille depuis plusieurs générations. D’autres curieux nous rejoignent et nous comprenons que la mémoire de ces pierres s’éteint petit à petit : neuf anciens sont morts cette année, c’est eux qui auraient pu vous renseigner. Nous rentrons par les vignes, en nous arrêtant par une cabane d’écarteur, avant de nous diriger vers Gorges où nous retrouvons l’autre équipe.

Une bavette et je dois de mon côté reprendre ma route, sans savoir ce qu’adviendra de la fin de la semaine : est-ce que les communs seront au cœur de leur projet ? Est-ce qu’une autre direction apparaîtra pendant la semaine ? Les quelques rencontres et détours hors de cette quête auront au moins donné du grain à moudre sur la manière dont les habitants s’approprient, vivent ce territoire. Et peut-être de nouvelles pistes.